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Photo du rédacteurMaëlle Rouquet

Dis-moi comment tu manges ta soupe, je te dirai d'où tu viens

Dernière mise à jour : 30 mars 2021

Ce titre saugrenu ne devrait pas vous avoir beaucoup éclairé sur le sujet de cet article, il sera question (entre autre) de nos habitudes alimentaires et de notre environnement mais je vous arrête immédiatement nous n’allons pas déterminer aujourd’hui qui du pain au chocolat ou de la chocolatine est le plus légitime...


Non, le concept que je souhaite aborder est bien moins brûlant : la CULTURE !


A quoi faisons-nous réellement référence lorsqu’on parle de culture ? Cette entité abstraite et pourtant si puissante, on s’y réfère parfois pour justifier des comportements mais également pour souligner une singularité, elle devient même source de mépris lorsqu’on estime qu’un individu en manque cruellement.


La psychologie interculturelle conçoit la culture au sens ethnique, générationnel et organisationnel, elle se fonde sur des valeurs, des codes et des systèmes de relations. Tout être humain est un être culturel puisqu’il évolue dans un environnement porteur d’une culture singulière. Margaret Mead, une anthropologue américaine a mené une étude démontrant que l'humain intègre des modèles culturels dès sa naissance et que ses comportements et ses valeurs sont influencés par cette transmission culturelle. Cette acquisition culturelle initiale est désignée par le terme d’enculturation (utile à connaître pour battre mamie au scrabble).


Bien, nous avons déterminé ce qu’est la culture et comment elle se transmet mais ça ne nous explique pas de quelle manière elle s’exprime. La culture est imperceptible, le meilleur moyen de prouver son existence est donc de s’appuyer sur ses effets, sur des phénomènes observables.



C’est ici qu’intervient notre histoire de soupe : remémorez-vous votre enfance, vos parents vous répétant ce mensonge concernant un lien entre votre consommation de soupe et votre taille (alors que vous savez aujourd’hui que l’impossibilité d’atteindre les étagères supérieures des placards est davantage liée à une sombre histoire d’ADN qu’à un refus de finir le velouté de potimarron). Maintenant rappelez-vous à quel point c’était amusant d’aspirer votre soupe en ponctuant chaque gorgée de bruitages dignes d’un aspirateur en fin de vie. Si nous avons eu des enfances similaires alors vous deviez avoir immédiatement droit à une remarque désapprobatrice d’un adulte vous demandant d’arrêter ce vacarme car il n’était pas poli de faire tant de bruit en mangeant (tentez l’expérience dans un restaurant, je suis persuadée que vous aurez droit à des regards pleins de jugements). La leçon a progressivement été retenue puisqu’aujourd’hui je mange ma soupe sans être accompagnée d’un orchestre symphonique au grand complet. Si la majorité d’entre vous se reconnaissent dans ce récit alors nous pouvons considérer que le fait de manger sa soupe sans avertir tout le voisinage est un comportement alimentaire valorisé et transmis dans les foyers français. Mais cette règle tacite unissant nombre de français est culturelle et n’a rien d’universelle, elle n’est pas transposable partout. Au Japon par exemple, aspirer bruyamment des nouilles ou une soupe est tout à fait toléré voire apprécié puisque c’est une manière de montrer à son hôte que vous appréciez le repas.



Pour continuer à naviguer dans les eaux troubles de la sacro-sainte culture laissez-moi vous donner quelques exemples supplémentaires :


Le langage est partie intégrante d’une culture, qu’il soit verbal ou non verbal, il est l’un des moyens de communication principal entre les personnes vivant au sein d’une culture, un code qui les relie entre eux et marque leur appartenance au groupe culturel. Le langage constitue également l’un des plus anciens vecteurs de transmission de la culture, les récits, les légendes et les anecdotes partagés au sein des populations participent à diffuser la culture de générations en générations.


Si je vous demande de me donner des synonymes du terme « neige » que me répondrez-vous ? Certains me proposeront peut-être « poudreuse » ou « flocon », d’autres idées ? Je doute en tout cas que vous puissiez proposer plus de trois ou quatre synonymes. Tandis que les Inuits, peuple vivant majoritairement en Sibérie, au Groenland et dans les régions arctiques d’Amérique du nord, possèdent plus d’une dizaine de mots pour désigner la « neige » et autant pour la « glace ».

Les langues eskimo-aléoutes parlées par les Inuits sont adaptées à leur environnement. Les Inuits vivant dans des régions où les paysages de neige et de glace sont omniprésents, il est nécessaire dans leur vie quotidienne d’avoir à disposition une palette de termes permettant de définir avec précision ce qui les entoure. L’environnement culturel construit le langage et inversement.



Comme dernier exemple de phénomènes culturels observables, regardons nos manières de nous remémorer nos morts, si vous trouvez ce sujet déprimant sachez que votre culture n’y est peut-être pas étrangère. Dans la culture française, on se remémore nos disparus en partageant des récits sur leur existence, on les visite en pensée et en se rendant sur les lieux qui leurs sont dédiés mais il est moins fréquent qu’on les célèbre lors de grandes fêtes. Ce sont pourtant des rituels adoptés dans d’autres cultures tel qu’au Mexique lors du « Dia de los muertos » où de grandes célébrations sont organisées pour marquer le retour temporaire sur terre des êtres chers décédés. La mort et la joie pouvant être considérées comme antinomique dans une culture prennent tout leur sens dans une autre. La Sicile est un autre exemple de culture où la commémoration des morts rime avec festivités, lors de la « Fête des morts » il est considéré que l’âme des disparus rend visite à la famille durant la nuit du 1 au 2 novembre. Ainsi le 2 novembre des célébrations sont organisées toute la journée en leur honneur, des jouets et des friandises sont notamment offerts aux enfants de la part des défunts.



Depuis le début de cet article je vous parle de culture au sens large du terme car il me semblait important de présenter le concept général avant de rentrer dans les subtilités. Mais vous êtes désormais tous des experts (pas de modestie ici) donc complexifions un peu les choses voulez-vous !


Lorsqu’on évoque le terme « culture » nos premières représentations concernent majoritairement les cultures nationales et ethniques mais il existe également les cultures familiales, cultures professionnelles, cultures religieuses, cultures générationnelles, culture de genre, etc. Bien plus qu'on ne l'imagine au premier abord !



D’autant que la culture n’est pas une entité figée, au contraire elle est en perpétuel mouvement et cela se manifeste notamment à travers les évolutions sociétales. La culture française a connu beaucoup de changements durant ce siècle, ne serait-ce que dans l’année écoulée. Les mouvements idéologiques menés par les peuples transforment les cultures (EX : Mai 68, le Printemps Arabe, la Révolte de Haïti, Me too, etc.).


Avec ces quelques illustrations j’espère vous avoir démontré comment la culture s’exprime sous de multiples formes dans notre quotidien. Je vous proposerai dans un prochain article de réfléchir à la manière dont elle nous influence jusque dans notre psychisme, notre intimité et notre manière d’appréhender le monde qui nous entoure.




 

Sources


> Mead, M. (1963). Moeurs et sexualité en Océanie. Paris: Plon.


> Orwell, G. (1949). 1984. Gallimard.


Pour aller plus loin


> Berthelier, R. (2005). Langage(s) Culture(s) Personne(s). VST - Vie sociale et traitements, 3(3), 42-51.


> Cassin, B. (2014). Traduire les intraduisibles, un état des lieux. Cliniques méditerranéennes, 2(2), 25-36.

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