top of page
Rechercher
Photo du rédacteurAriane Viguier

Road Trip avec l'hystérie (Vroum Vroum)

Avouez, vous aussi vous vous demandez : d'où vient ce concept d’hystérie et pourquoi est-il controversé aujourd'hui ? Pour commencer nous allons faire un petit retour dans le temps pour comprendre ce qui se cache derrière ce terme : en voiture Simone !

Hystérie historique (piano panier)



Dans l’antiquité, Hippocrate, le célèbre médecin (genre le gars c’est la star), théorise le concept d’Hystérie (le mot même vient du grec Ustéria qui veut dire utérus). Pour lui, certains troubles que les femmes peuvent présenter sont liés à l’utérus qui erre dans le corps en touchant, comme au flipper, un organe au passage. (J’utiliserai le terme femme pour la suite de l’article mais on parle ici de personne désignée femme à la naissance).


Ce qui provoquerait des symptômes variés (irritabilité, crise de larme, convulsion, tétanie, fantasme érotique, vertige, tremblement, et j’en passe).

Cet utérus vagabondant serait donc le premier backpacker, bien avant le barbu de Into the wild.


Portant un sac à dos et des dreads à l’occasion, il enverrait de temps en temps quelques jolies cartes postales à mamie sur son cheminement.


Une promenade franchement bucolique qui serait responsable de la souffrance féminine.





On rigole moins quand on analyse le phénomène à la lumière historique. Les hommes, tous enclins à dominer et réprimer les femmes à leur avantage, se sont saisis du concept pour venir diagnostiquer l'hystérie au petit bonheur la chance. L'hystérie a notamment été brandie pour armer la chasse aux sorcières du Moyen-âge dont a souffert et péri un grand nombre de femmes (des exécutions eurent lieu jusqu’au 19e siècle et on parle aujourd’hui de plus de cinquante ou cent mille victimes, sans compter celles qui se sont suicidées ou sont mortes en prison comme l’explique le livre de Mona Chollet).


Dans les “traitements” pour soigner l’hystérie, autre que l’internement en asile, les rapports sexuels, la maternité, la guillotine ou être brûlée vive, on peut citer la proposition cocasse de traitement par les odeurs de Ambroise Paré au 16eme siècle. Celui-ci propose en effet qu'on inflige aux femmes des mauvaises odeurs par le nez et des bonnes odeurs par le vagin pour que l’utérus revienne a sa place.


Pendant longtemps encore on s’imagina que les femmes simulaient ces symptômes pour rester au lit et éviter de faire la lessive. Progressivement la maladie va finalement être interrogée sous le prisme du cérébral et être appelée “Névrosepar Edward ...eh non William Cullen en 1775 comme maladie sans fièvre ni lésion.

Au 19éme siècle, le célèbre Professeur Charcot (c’est aussi une star en psychiatrie) reconnait que l'hystérie est une vraie maladie qui serait liée à une lésion structurelle dans le cerveau. Il en fait la démonstration en présentant à sa “leçon du mardi” des patientes ayant un trouble d’hystérie qu’il place sous hypnose. On comprendra plus tard avec les avancées de la science qu’il n’y a pas de lésions à proprement parler, mais il peut y avoir des dysfonctionnements. On connaît aussi et surtout ce terme par la théorisation que Freud en a faite (qui était l'élève de Charcot pendant une période). C’est ce qu’il appelle la conversion : il existerait selon lui un mécanisme inconscient qui viendrait empêcher l'expression d’un traumatisme ou d’un fantasme. C’est un conflit non résolu dans l'inconscient du sujet qui viendrait donc le persécuter aujourd’hui.


Cependant, pour lui, les patientes qui souffrent d’hystérie sont des personnes qui ont avant tout besoin d’attention. Ok Freud mais non simulation ou recherche d’attention telle est la question ?? On recoupe alors, selon sa théorie, à la fois un trouble de la personnalité (personnalité théâtrale, sur-expressive, dépendante ou même soumise) et des symptômes physiques et ou psychiques qualifiant une réelle souffrance.


Hystériquement vôtre : Les stéréotypes qui font du mal.

Bref c'est le bazar !

Surtout que l’hystérie a eu le temps de quitter le domaine psychologique pour entrer dans le langage commun. Cette femme, quelle hystérique / Elle a ses règles ou quoi / les femmes elles peuvent pas conduire tu connais la chanson Marcel ! La Femme est trop excitée et pas assez raisonnée, elle se met en colère pour rien, elle perd le contrôle, elle veut tout et rien, elle est séductrice, manipulatrice même …

Bref donnons nous à cœur joie : Finalement être femme est ce que ce n’est pas être folle ?? C’est pratique comme terme bagage pour les disqualifier et les dénigrer assez rapidement. Je vous laisse allez voir l’article de Camille sur les Stéréotypes pour mieux comprendre leurs fonctionnements et le fait qu’ils représentent un réel petit interrupteur social, qui, une fois allumé, peut avoir des effets délétères…. On peut donc dire que l’hystérie est connotée dans une différenciation homme/femme qui n’est pas super flatteuse.










Tout cela viendrait contribuer à cristalliser l’image d’une femme historiquement instable et montre l’importance qu’il y a aujourd’hui d’analyser la santé mentale sur le plan : psychologique, biologique, mais aussi social.


Aujourd’hui l’hystérie existe-elle encore ?


Non, pas vraiment ! Je m’explique… Le terme est encore utilisé par certains professionnels, non par malveillance, mais parce qu’ils sont bien souvent restés sur un vocabulaire classique et les grilles de lectures qui y sont associées. On observe qu’il est parfois utilisé dans le langage commun professionnel sur le terrain, quand la personne montre de nombreuses fluctuations dans son comportement (peut-être un jour agressive, l’autre jour douce), quand il y a des doutes et des interrogations notamment sur les troubles de la personnalité, etc.

Pourquoi on peut estimer qu’il serait judicieux de ne plus utiliser ce terme ?


Premièrement parce qu’il est trop connoté par les stéréotypes sexistes qui y sont associés. Mais aussi parce qu'il est trop daté puisqu’il correspond à des avancées théoriques psychologiques du 19ème siècle qui ont beaucoup tâtonné avec le concept. Notamment, comme on l’a vu : pour savoir s'il y avait des réels effets organiques (lésion/ déplacement) et une réelle existence de la pathologie (simulation / non simulation). Encore utilisé dans le milieu du soin psychique, il peut imposer à la personne en souffrance un ensemble de stéréotypes stigmatisants. Si justement il y a un trouble de la personnalité ou une autre pathologie, comme par exemple le trouble dysphorique prémenstruel, cela demande qu'on s’y arrête plus précisément !


La requalification de ce trouble selon les normes psychiatriques aujourd'hui pose toujours débat, mais on commence à parler de : Trouble neurologique fonctionnel de conversion ou dissociatif.

De ce terme il faut comprendre que la fonction de l’organe est perturbée mais pas l’organe lui-même. Et surprise : même s’il touche plus les femmes, les hommes sont aussi présents dans la population touchée.

Il serait selon le DSM (la bible des catégorisations des pathologies mentales) : "Une atteinte du mouvement volontaire ou d’une fonction sensorielle qui n’est pas expliquée par une lésion neuro psychologique ou une pathologie comme l'épilepsie." Avec des symptômes de type : mouvements anormaux, problèmes de déglutition, perturbation visuelle, anesthésie, paralysie ..

Sans s’attarder sur ces catégorisations, je vous laisse imaginer la souffrance pour les patients qui en souffrent. On observe des corrélations avec les facteurs de stress ou des traumatismes mais ce n’est pas obligatoire pour entrer dans le diagnostic.


L’utilisation de ce terme aujourd’hui pourrait relever de la Psychophobie, qui est le fait de dénigrer l’autre en utilisant contre lui des troubles psychiques. J'espère qu'on aura l’occasion d’en reparler de manière plus poussée sur ce blog si c’est un sujet qui vous intéresse. Pour aller plus loin, je vous conseille vivement la première vidéo citée ci-dessous qui a inspiré la rédaction de cet article qui montre à quel point dans le diagnostic d’hystérie peut venir se cacher un trouble et une souffrance.

Pour ce qui est de la vision psychanalytique, peut-être qu'une autre plume de ce collectif s’y attardera un jour, puisque le but premier est aussi de venir partager les dimensions différentes de la psychologie… Personnellement je vais plutôt aller démonter les stéréotypes qu'on attribue aux femmes



 


Sources

> Aybek and all (2008). Revue Médicale Suisse. L’hystérie : une entité historique, un trouble psychiatrique ou une maladie neurologique ? https://www.revmed.ch/RMS/2008/RMS-156/L-hysterie-une-entite-historique-un-trouble-psychiatrique-ou-une-maladie-neurologique


> Birman, J. (2001). Les destins de l'hystérie aujourd'hui: À propos de la féminité et du masochisme. Dans : André Michels éd., Actualité de l'hystérie (pp. 211-225). Toulouse, France: ERES.


> Manon Legrand (2016). La santé mentale inégale avec les femmes. Alter Echos. https://www.alterechos.be/la-sante-mentale-inegale-avec-les-femmes/


Vidéo

> Dr HINGRAY. Fou De Normandie. (5 janv.2021). HYSTÉRIE, mythes, réalités et généralités sur les troubles de personnalités. https://www.youtube.com/watch?v=rh7i8EM5GMg

Pour aller plus loin

> Mona Cholet (2018) Sorcière la puissance invaincu des femmes. Paris, La Découverte : Zones

Vidéo

>Clarinette.(18 janv. 202). Pourquoi tout le monde déteste les Fangirls ? (Hystérie misogynie & pouvoir des fans) https://www.youtube.com/watch?v=VwSnY0Gk190&t=13s > Par la rédaction d'Allodocteurs.fr (2018). Hystérie : une histoire de femmes ? https://www.allodocteurs.fr/se-soigner/histoire-de-la-medecine/hysterie-une-histoire-de-femmes_24855.html


Posts récents

Voir tout

コメント


Ancre art. Stéréotype
Ancre art Culture 1
bottom of page