Coucou, je reviens vous jouer un mauvais tours en vous reparlant d’attachement !
J'en ai donc que faire de la distanciation sociale
Pour les retardataires, on avait vu précédemment comment les travaux sur l'attachement, d’abord sur l'animal, puis sur l’humain avaient bouleversé nos représentations : de petits êtres passifs, le bébé était devenu une personne en construction et en exploration à la recherche d'un lien spécifique, socle de son développement ! Rien que ça !
Cette capacité d’attachement est primordiale. Nous avions pu l’illustrer en citant les travaux de Spitz. Les enfants en manque de ce lien pouvaient souffrir de dépression anaclitique, de syndrome dit “d’hospitalisme”qui traduit une grande carence affective, ou même se laisser mourir...
Moi quand je vous vois déjà avoir le seum devant mon article !
L'attachement :
un système comportemental/ biologique et social
Je suis sympa je vous fait une petite révision express pour que la bonne humeur revienne. Alors l'attachement est ...
→ Comportemental, car il se traduit par des comportements d’alarme pour provoquer l’attention du caregiver et sa motivation à prendre soin (cris, suivi oculaire, succion, agrippement, …)
→ Biologique, car il est sous-tendu par un ensemble de systèmes neuronaux (amygdale pour la régulation émotionnelle, hippocampe pour la mémoire, hormone dit de l’attachement : l'ocytocine, d’autre truc comme du beurre et du sucre en poudre (enfin je pense)).
→Social, car ce lien d’attachement se développe en fonction de la qualité et de la régularité des réponses que nous recevons. Cela nous permet d’investir l’exploration du monde qui nous entoure, de réguler nos émotions, d'améliorer en somme notre bien-être.
Attachement besoin et réponse : construction d'un modèle interne opérant
Il existe donc une boucle interactive entre l'expression des besoins d’attachement par l’enfant et la réponse de l’individu interpellé. Pour schématiser, nous prendrons l’exemple d’un bébé appelé "pâte à crêpes".
ça c'est BAO de pixar mais vous avez l'idée AGOUZIGOUZI
> Si pâte à crêpes a une figure d’attachement proche, sensible, attentionnée, il va développer des stratégies d'attachement dites “sécure” qui lui permettront de développer des capacités : de socialisation, d’exploration, de régulation émotionnelle, la capacité à surmonter des obstacles.
> Si pâte à crêpes à l’inverse, a un caregiver moins accessible, moins fiable d’une fois sur l’autre et inattentif à ses besoins, il peut développer des stratégies dites "insécure". Ici, Pâte à crêpes cherche à s'adapter aux réponses inconstantes qu’il reçoit ce qui est très coûteux psychiquement. Cette adaptation se fera au détriment du développement des capacités citées plus haut.
De plus, Pâte à crêpes risque, à force d’efforts vains vis-à-vis de son caregiver, d’estimer peu à peu qu’il n’est lui même pas digne d’attention ...
Donc, si bien sûr, le système d'attachement se complexifie en grandissant (sauf si vous continuer à crier pour qu'on s'intéresse à vous grand bien vous fasse), ce développement est dépendant des expériences que nous accumulons.
C’est ce qu'on appelle le Modèle Interne Opérant (M.I.O) : les représentations mémorisées des expériences passées vont guider nos représentations et comportements futurs. On se construit donc progressivement en fonction à la fois des représentations du monde qui nous entoure et des ressources d’aide que l’on peut y trouver.
Mary Ainsworth et la situation étrange :
Les travaux de Mary Ainsworth, psychologue canadien, se sont focalisés sur la différenciation de style d'attachement dans ce modèle interne opérant et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui. Ces travaux ont été d’une importance capitale puisqu’ils ont pu confirmer les premières intuitions de Bowlby.
Ah, ça rigole, mais là, le gosse a clairement cramé que t’allais le mettre dans la caca
Pour cela, elle s’est appuyée sur la création d’un paradigme d’expérimentation : la situation étrange. Elle a donc placé des enfants (de 12 à 18 mois) et leur caregiver dans une salle pendant 18 minutes top chrono.
1) Pendant 3 minutes, on observe l'enfant dans un environnement nouveau : son investissement, les invitations de l’adulte à explorer …
2) Introduction d’un étranger (Ici, on décompose en 3 temps : l'étranger ne parle pas/il parle à l’adulte/il parle à l’enfant). On continue d’observer les réactions de l’enfant.
3) Le caregiver disparaît : l'enfant et l’étranger restent seuls (séparation d'avec le caregiver sans préparation). On continue d’observer la réaction de l’enfant dans cette étrange et stressante mise en scène.
4) TOUT d’un coup le caregiver réapparaît et l’étranger lui disparait. C'est pas un tours de magie en fait y’a une porte dans la salle depuis le début (désolé, pour ceux qui sont déçus). On observe ici comment l’enfant cherche du réconfort et de la réassurance, les réponses de l’adulte et la possibilité de ré initier des activités de jeu.
5) Le caregiver quitte la pièce en notifiant son départ cette fois (merci au revoir c'est pas pour les chiens ). Ici, l’enfant reste seul 3 minutes, puis l’étranger rentre. On regarde les comportements de l’enfant vis-à-vis de l'étranger.
6) Caregiver réapparition (Ouf c’est fini ! )
On combine donc l'observation des réactions de l’enfant face à ces séparations insécurisantes en aller et venu : son retour au socle de sécurité, sa capacité exploratrice, ses sollicitation etc …et l’observation des modalités utilisées en réponse aux aux besoins de réconfort de l'enfant. Cette expérimentation a donc un aspect clinique très précis tout en convoquant une scène quotidienne pour un enfant.
Une typologie des style d'attachement
Les résultats de cette expérimentation conduite par Ainsworth, ont permis d'élaborer des hypothèses sur l'observation de différences qualitatives dans les dyades enfant / caregiver et leurs influences sur le développement de l’enfant.
>Le style d’Attachement Sécure (ou sécure autonome) :
L’enfant est autonome, il peut marquer la séparation mais l’accepter rapidement en se consolant, il se montre capable d’exploration, il est capable d’attirer l’attention et d'exprimer ses besoins. Il peut montrer une satisfaction au retour de l'adulte. Ce style d’attachement concerne environ 60 % de la population générale.
>Le style d’Attachement Insécure évitant :(ou inésécure détaché)
L’enfant présente ce qu'on appelle une “pseudo-indépendance”, il manifeste que très peu d’émotions à la séparation comme au retour, il explore facilement l’environnement, mais il exprime peu ou pas ses affects et ses besoins. On a pu montrer par d’autres études que ces enfants craignent que leur figure d’attachement ne réponde pas ou exprime des affects négatifs face à leurs sollicitations. Les stratégies d’attachement sont donc peu activées. L'enfant peut feindre de se montrer insensible alors qu’il ne l'est pas du tout. Ce style d’attachement concerne environ 20 % de la population générale.
> Le style d’Attachement Insécure ambivalent :( ou ambivalent résistant)
L’enfant exprime ses besoins d’attachement de façon bruyante. Il peut montrer une très grande détresse au départ comme une grande indifférence au retour. Il peut se montrer à la fois demandeur de réconfort ou être agressif, il semble difficile à satisfaire. Ses stratégies d’attachement sont trop activées et surtout peu compréhensibles. Ce sont des enfants qui ont peur d’être abandonnés (ils se mettent dans une position ou le caregiver peut ne jamais revenir) et qui ont souvent intériorisé que leur figure d’attachement peut rentrer en contact avec lui pour son propre besoin plus que pour ses besoins à lui. Ce style d’attachement concerne environ 10 % dans la population générale.
> Le style d’Attachement désorganisé :
Style présenté par les travaux de Main, Solomon et Hesse. L’enfant ne peut exprimer ses besoins car il a un comportement chaotique et instable. On repère peu ou pas de stratégie d’attachement. L’enfant peut réagir de manière paradoxale aux absences du caregiver en miroir aux comportements contradictoires et sans sens que peux adopter cet adulte. Ce sont bien souvent des adultes qui ont vécu dans des milieux très carencés voir traumatiques. (approximativement 15 % de la population générale)
Attention fort heureusement dans le développement de l’être humain tout n’est pas gravé dans le marbre
(Gravé dans la roche qui se rappelle ? Sniper ? Personne ? Bon).
On observe par exemple que l’être humain est capable de développer des styles d'attachement différents en fonction des personnes ce qui montre à quel point nous sommes capable de nous adapter. Bien qu'un modèle principal puisse exister induit par le M.I.O, plusieurs modèles de relation plus spécifiques peuvent coexister à l’intérieur de ce modèle. Les travaux ont pu montrer que développer un style d’attachement sécure autonome permettait de développer des capacités de résilience notamment face aux traumatismes que peuvent provoquer des expériences primaires très carencées. La construction de son style d’attachement est aussi enrichie par les différentes étapes du cycle de la vie. Beaucoup peuvent être revisités et re-joués chez l’être humain. Les relations de couple, amicales, les rôles et postures que nous allons adopter, la satisfaction au travail, l’accès aussi à des thérapies, la capacité à s’apaiser, à prendre de la distance, sont d’autant de socles à la mise en jeu de la capacité de résilience de l’être humain.
Et now what ....
Le champ des études possible sur cette capacité d’attachement sont innombrables. On peut citer en exemple des études :
- sur le système motivationnel de caregiving, ou pour reprendre les travaux de Stern sur l'accordage affectif qui explique comment l’adulte répond au besoin de l’enfant,
- sur l'impact transgénérationnel du style d’attachement (parents et enfants) en prenant en compte le fonctionnement de l’adulte à la lumière de ses expériences passées.
- sur l’attachement développé au sein du couple en fonction du style d’attachement induit à l’enfance
Étudier les styles d'attachement est très important dans notre pratique en tant que psychologue, chez l’enfant et sa famille notamment en étant attentif au moment de séparation. Chez l'adulte, cela nous permet de venir porter un regard sur les expériences passées, les comprendre, observer leurs coût psychique et possiblement venir accomplir un travail ensemble pour les dépasser.
Sources
Genet, C. & Wallon, E. (2019). Chapitre 1. Une présentation de la théorie de l’attachement. Dans : , C. Genet & E. Wallon (Dir), Psychothérapie de l'attachement (pp. 1-26). Paris: Dunod.
Tisseron, S. (2017). Chapitre II - Famille, école et communautés à l’épreuve de la résilience. Dans : Serge Tisseron éd., La résilience (pp. 42-66). Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France.
Gauthier, Y. (2011). Pouvons-nous combler le fossé entre la recherche et la pratique clinique lorsqu'il est question de l'attachement ?. Devenir, 3(3), 287-313. https://doi.org/10.3917/dev.113.0287
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